[Quête] Où suis-je ?

La course continuait, constituée de vitesse, définie par la fuite.
Aucun signe de poursuivants mais je ne relâchais pas le rythme pour autant, l’erreur que cela aurait été.
Mon esprit restait concentré sur notre liberté, mes yeux aussi, mon odorat, mon ouie, mais pas mon cœur.

Je portais mon regard sur la plus précieuse des femmes, et nos regards se croisèrent.
Tout ce que je pus y lire me coupa le souffle, m’arrêta dans mon élan, me fis descellerer prenant conscience a chaque nouvelle seconde de la pureté de son regard, de la beauté de son visage, de l’amour fou qu’elle témoignait.

Combien de milliers de fois aurais-je voulu lui susurrer ces mots si magiques, si significatifs, mais si dérisoires face aux tourments qui agitaient mon âme.

Je t’aime ma Sihaya.
Je t’aime…

L’instant sembla se figé sur ces deux personnes épris d’amour, la lune jouait un ballet incessant avec les ramures et les feuillages, illuminant pas instant nos deux visages.
Mon corps savait que les gestes étaient souvent plus éloquents que les longs discours.
Lentement, je me penchais sur elle, mes lèvres tendues vers les siennes.
Goûté ce fruit défendu, goûté ce parfum et cette douceur, le goûté a jamais….

Alors que mes yeux se fermaient, que mon visage s’approchait peu a peu du siens, deux hurlements m’arrêtèrent, celui d’un loup, et le cri d’angoisse d’un être humain.
Mes yeux se ré ouvrirent, conscient de l’erreur de l’avoir laisser continuer seul même un court instant.

Jetant un regard de compassion a celle que je tenais dans les bras, je me mis a courir comme une flèche vers la provenance des cris et des bruits de lutte.

Quand nous serons sauvés, je t’aimerais comme jamais quiconque n’a oser aimé….

Une promesse plus qu’autre chose, qui me rassura autant qu’elle me glaça le sang… Quand nous serions sauvés… Nous deux…

KAZUO !

Jaillissant d’une branche, mon pied droit tendus dans un cercle parfait, j’entendis le craquement d’une mâchoire, celle d’un corps flasque qui retombe avant que mes pieds touchent le sol.
Je me jetais prés de lui, tombé a terre, kunai toujours en main.
Son regard était celui de ces personnes qui même dans l’inconscience continuaient de vouloir survivre, ce regard vitreux et sans âme, qui s’anima dés que je déposais le corps de ma bien aimée dans son dos.

Je redressais mes épaules fourbues par l’effort, jetant au loup que je venais de tuer un regard de défi remplis par la vengeance.
Ce fus ce même regard que purent observer la demi-douzaine de loup qui a présent, attirés par le bruit, le sang et la violence, gravitaient autour de nous dans cette forêt obscure.

Posture de garde classique, et volonté de survivre, désespoir de voir le jour naissant, mais une telle conviction pour y parvenir, le premier fendit les rangs…
Un grand loup gris aux yeux emplis de haines, une haine si primitive, si animale que j’en frémis de peur.

Qui étais-je pour défier les nobles de la forêt ?
Qui étais je pour oser me dresser entre le vie et la mort ?
Un homme amoureux ?
Oui, la réponse me convenais.

Il sauta dans son élan, face a moi, il arrivait les crocs en avant vers ma gorge, ma main s’abattit sur son crâne, accompagnant la tête de la bête jusqu’au sol pour la réduire en miette dans un craquement d’os repoussant.
Le deuxième attaquant fut repoussé d’un coup de pied dans les côtes, l’animal retomba sur le sol et s’enfuit dans un jappement terrorisé derrière ses frères de sang dont le nombre ne cessait d’augmenter à chaque instant.

La meute arrivait peu a peu, déjà, une vingtaine d’individu organisés dans un cercle d’une dizaine de mètres de diamètre, tenant l’ennemi en respect, ne laissant aucune possibilité de fuir a la proie.
Mon regard se porta vers les arbres autour de nous.
Sayuri sur le dos j’aurais sûrement pus sauter, attraper une des branches basses et me hisser à l’abri.
Mais… Avec Kazuo je ne pouvais pas…
Il avait risqué sa vie pour nous, et j’allais les sauver tous deux.
Plus pour m’encourager que par réelle conviction, je me rattachais à cette idée qui insuffla en moi la volonté d’y croire, encore et encore.

Puis une partie de la meute s’ébranla à une vitesse effrayante, courant vers moi, vers eux.
D’un bond je repassais devant ces deux âmes assises, prêt à en découdre.
Un mouvement furtif sur ma droite et mon poing brisa un autre crâne,
Une morsure au mollet m’arracha un hurlement de douleur.
L’individu de bonne taille m’avais saisit et se débattait pour m’arracher la jambe.
Je le fis passé de l’autre coté du voile de la vie en brisant sa nuque.

La pression se relâcha, la douleur commença a fuser, mais pas la même.
Au fond de moi, une petite flamme s’alluma lentement, prit l’ampleur qui lui revenait et se mit à brûler comme un brasier incandescent.
Toujours debout, enveloppé de la pâleur de la lumière de la lune, la tête tendue vers les étoiles et le corps, agitée de spasmes de plus en plus fort, j’hurlais comme un possédé qu’on aurait équartéllé vivant.

Une seule certitude dans ce brouillard de douleur et de désespoir.
La transformation arrivait à sa fin, je perdais mes forces…
Je perdrais tout…
Les plaies encore fraîches de mon combat précédemment se rouvrirent déversant flot d’hémoglobine sur le tapis d’épines qui recouvrait le sol.
Je tombais a genou, mes deux mains sur ma gorge pour faire sortir déseperement le sang qui remontait de mes poumons.
Mon corps brûlait de l’intérieur, brûlait d’avoir trop donné… brûlait la vie.
Le regard aliéné par la douleur, je vis les loups hésité devant cette proie peu commune, énervé d’être retenus, frustrés que ces trois morceaux de viandes ne soient pas déjà partagés par leurs mâchoires assoiffées de sang.

Une main sur le sol, l’autre sur mon ventre qui n’était plus qu’un nid d’épingles qui me lacerait les chairs.
J’esseyais de me relever, j’esseyais de nous sauvé.

Le chef de la meute, un grand blanc…claqua des dents, ordonnant la charge.
La fin arrivait à grand pas, la mort prenait des allures de canidés.
Le désespoir, la résignation… une dernière pensée et un long regard vers celle que j’aimais.
Celle que je ne pouvais plus sauvé limité par les forces de la nature elle-même.

La première ligne fut perforée, littéralement.
Ebahis, impuissant, je vis la pluie de flèche et de Kunai s’abattre sur les maîtres de la forêt.
Mêlé aux cris d’impuissance, de douleur des animaux blessés, je perçus le frémissement, et vu les ombres traversés le brouillard de ma souffrance.

Six ombres.
Six hommes qui tombèrent autour de nous déversant la mort sur la meute a présent en difficulté.
Repoussés par ces renforts inattendues, toutes les bêtes s’étaient écartées du cercle de lumière ou nous étions, regagnant l’obscurité, reprenant leurs forces avant le prochain assaut.

Un visage connu, un visage amical ou deux yeux ancrés d’une profonde joie mêlée à une préoccupation empathique se tourna vers moi.

Mickey-sama, Sayuri-sama…
Nous aurons mis le temps mais nous vous avons retrouvé.

Vêtu entièrement de noir, Barato se tenait accroupis face à moi et me remettais debout.
Les cinq autres anbus étaient dirigés vers les prédateurs qu’ils continuaient de tenir en respect.
Mortellement concentré sur leur mission, ils ne nous avaient pas jetés un regard.
L’anbu en chef donna un ordre, ils se resserrent autour de nous.
L’un d’eux saisit mon bras et le passa par-dessus ses épaules, un autre fit de même avec Kazuo.
Puis il saisit délicatement Sayuri et l’a pris dans ses bras.
Il se tourna vers moi et lus dans mon regard planté sur elle, tout mon espoir, toutes mes préoccupations.

…Sau.. Sauve la…Emmene no… Emmene nous… village.. es … plantes…

La lame du kunai pressée contre son poignet, Kazuo ne quittait pas les deux loups des yeux. Une prière silencieuse agitait ses lèvres, prière pour qu'ils ne l'attaquent pas, prière pour qu'ils l'achèvent vite, prière pour qu'ils laissent filer Mickey et Sayuri...

Mais le plus âgé des deux, le plus téméraire aussi sans doute, venait de prendre une puissante impulsion pour bondir sur sa proie, en poussant un long hurlement lugubre, auquel répondit le hurlement de terreur du jeune shinobi...

Il défendrait sa vie avec le peu de force qu'il lui restait.
Faisant pivoter le kunai, il lui imprima un mouvement puissant vers le poitrail du loup. Mais la lame rippa sur les côtes et ne provoqua qu'une longue estafilade en place d'une plaie profonde.
De rage et de surprise, le loup se jeta sur la gorge de Kazuo, qu'il ne parvint pas à saisir, le jeune homme se débattant comme un beau diable.
La douleur de ses blessures était passée au second plan, il tentait encore et encore de frapper son adversaire avec son pauvre kunai, la vue brouillée par les larmes de terreur qui s'échappaient librement de ses yeux.

Soudain, le loup disparut de son champ de vision dans un craquement sinistre et Mickey apparut à sa place, le corps de Sayuri toujours dans les bras.
Il ne parvint même pas à articuler un merci, mais son regard le fit pour lui.

La suite des événements se perdit dans un flou artistique, Kazuo entendait mais ne saisissait plus la logique des choses. Il sentait Sayuri appuyée contre son dos et avait l'impression d'en être le gardien, le gardien de sa sécurité. Pourtant, il était incapable de faire un geste mais cette seule idée lui suffisait à présent pour rester conscient.

La meute se rapprochant, les bruits de lutte devenant de plus en plus sauvages, Kazuo dut se rendre à l'évidence. Il allait mourir, ce soir, et Mickey et Sayuri mourraient avec lui.
Après tous ces efforts, ces combats acharnés... c'était une meute de loups qui allait mettre fin à leur fuite éperdue... Quelle cruelle ironie...

Un rictus sans joie apparut sur le visage du jeune shinobi. Il lâcha le kunai qu'il tenait et croisa ses mains sur sa poitrine, comme pour se protéger. Il ferma ensuite les yeux et laissa aller sa tête en avant.
Il ne vit ni n'entendit l'intervention de Barato et de ses hommes.
Un instant plus tard, son rythme cardiaque ralenti, il avait perdu connaissance.

***

Le souffle court, les battements de son coeur anormalement rapides, Sayuri ne quittait pas des yeux le visage de Micky se penchant sur le sien. Sentir à nouveau ses lèvres, tout ce qu'elle désirait le plus au monde...
Se sentir à nouveau vivante, se sentir à nouveau exister, pour lui...

Les yeux presque fermés à présent, elle attendait un baiser... qui ne vint jamais.
Deux hurlements se firent entendre, stoppant net son amour dans son geste.
Bien sûr, ce n'était pas le moment, même si elle y avait accordé une importance du premier ordre... Kazuo était avec eux, et il avait besoin d'aide.
Elle répondit d'un faible sourire à la promesse de son Netsuai et laissa à nouveau aller sa tête contre sa poitrine, essayant de lutter contre la douleur qu'elle ressentait à nouveau, maintenant qu'elle était davantage éveillée.
Elle ne suivit pas vraiment la succession des actions qui suivirent. Tout allait trop vite.
Micky finit par la poser près de Kazuo, appuyée contre lui.
Elle chercha la main du jeune homme mais ne la trouva pas. Et le moindre mouvement un peu trop prononcé risquait de la faire tomber. Soupirant, elle se laissa dériver à nouveau.
C'était si facile...

Les bruits autour d'elle s'atténuaient, les cris enragés des loups se faisaient moins virulents, comme étouffés. Tout lui parvenait doucement ouaté, à la manière dont les sons portent dans un paysage enneigé...
Doucement, elle glissa vers l'inconscience, encore... C'était si facile... si doux...

Micky...

Un blanc... un trou dans le déroulement de sa vie... un oubli...
La perte de plusieurs minutes de son existence qui disparurent tout simplement de ses souvenirs.
Elle était déplacée, transportée à nouveau... mais ce n'était pas Micky qui la portait.
Elle sentit la panique prendre possession d'elle, sournoisement d'abord puis totalement, la laissant complètement désorientée.

Elle se mit à hurler, un long hurlement à mi-chemin entre la rage et la terreur, exprimant tout à la fois sa peur panique et sa colère d'avoir été arrachée à son Netsuai.
Malgré son état critique, elle commença à se débattre, aveuglée par les larmes, la gorge déchirée par le cri qu'elle poussait, tentant vainement de se libérer de l'étreinte qui la retenait prisonnière.
Elle sentait que la poigne de son bourreau dépassait largement la sienne et qu'elle ne parviendrait pas à s'en libérer. Mais si elle devait mourir en continuant d'essayer, pour retorouver son amour, alors elle le ferait.
La terreur et la colère guidant ses bras meurtris, elle se mit à frapper au hasard, cherchant à faire mal. Chacun de ses coups qui atteignait sa cible décuplait sa rage et rendait le suivant plus hargneux encore...
Hurlant toujours, pleurant toujours, elle frappait à l'aveuglette, sans relâche...

Le voyage se deroulait dans un silence parfait.
Pas un bruit pour les 8 personnes qui fillaient dans le vent...
L'anbu qui avait ma charge devait regretter son geste, je ne pouvais m'empecher de me retourner pour m'assurer de l'état de mes deux compagnons, ralentissant, ou genant par la même mon aide.

Dans mon esprit embrumé, les evenements se chevauchaient, s'embourbaient, fusionnaient sans cesses dans des brides de souvenirs inconsistants.
Les coups a la tête et ma faiblesse y étaient pour beaucoup.
J'avais trop tiré sur la corde de ma resistance, j'en payais le prix fort...

Alors que je me concentrais sur un saut particulierement audacieux.
Un cri me fit deraper et perdre l'equilibre.
L'anbu m'aida a me stabillisé pendant que je me retournais.
Sayuri criait...
Criait un desespoir si puissant...
Une colère si hardente que mon coeur fut reduit en poussière immédiatement.

Dans sa haine, elle se debattait avec fougue et déja le visage de Barato avait recolté deux estafillades serieuses.
Me degageant de l'etreinte de l'anbu, je reduisis a néant les quelques mètres qui me separaient d'elle d'un bond.
La troupe entière s'était arretée mais je n'en avais strictement rien a faire.
Tendant les bras, Barato me ceda la petite tempete qu'il avait involontairement reveillée.
Elle continuait de se debattre, faible, blessée, oui mais Ninja malgré tout.
Mes doigts se refermerent sur ses poignets pendant que mon bras pressait son corps contre le miens...
Ma bouche s'était collée a son oreille dans l'empressement, repatant inlassablement les mêmes paroles.

Sayuri, c'est moi, Mickey, je suis la... Tout va bien... Tout va bien... calme toi...

Quelle erreur...
Si elle n'avait pas été en train de le faire a ma place, je me serais bien frappé.
Même Barato ne pouvait plus l'approchée...
Quel cretin... Encaissant chacun des coups comme une punition meritée, je pus serrée les dents sous la douleur en repetant sans cesse ma litanie...

A trois mètres de la, Barato reprenait son souffle en massant son crane martelé de coups.

Sayuri, c'est moi, Mickey, je suis la... Tout va bien... Tout va bien... calme toi...

Le peu de forces qu'il lui restait s'épuisait à vue d'oeil et ses coups, de moins en moins puissants, manquaient de plus en plus souvent leur cible.
L'épuisement reprenant le pas sur sa colère, Sayuri avait cessé de crier, et ses hurlements s'étaient transformés en sanglots, chacun d'eux soulevant douloureusement sa poitrine...
Les épaules tremblantes, elle finit par entendre un doux murmure, elle finit par comprendre que les bras qui la serraient à présent étaient ceux dont elle avait rêvé chaque nuit pendant si longtemps, au fond de sa prison...

Elle sentit la pression de son corps contre le sien, ses doigts qui tentaient tant bien que mal d'immobiliser ses poignets, et elle cessa alors de lutter.
Ses propres doigts se refermèrent sur les vêtements de Micky, comme une noyée cherchant à garder la tête hors de l'eau et elle ouvrit les yeux.
Elle vit seulement ses cheveux, son cou, tandis qu'il continuait à murmurer à son oreille, la tenant fermement contre lui...

Elle essaya de parler mais les sanglots l'en empêchaient encore. Le corps agité de soubresauts, elle attrapa Micky par le coup et s'y accrocha pour qu'on ne le lui enlève plus...

Deux minutes s'écoulèrent ainsi, Sayuri s'apaisant peu à peu. D'une voix tremblante, elle put finalement parler

J'ai cru... qu'ils nous avaient... rattrapé... et que tu étais... que tu étais...

Sa voix se brisa.
Impossible de prononcer ce mot qui lui faisait si peur.
Elle resserra encore son étreinte, au risque de lui briser le cou. Heureusement pour eux deux, ses forces s'apparentaient à présent à celles d'une fillette.

Je suis désolée... Je ne voulais pas... Je n'ai jamais voulu te frapper... Mais... j'étais sûre... j'étais sûre que ce n'était pas toi... ce n'était pas toi qui me portait...

Elle le lâcha enfin et leva les yeux vers lui, attendant une confirmation de ses impressions. Ce n'était pas lui qui la portait, elle en était certaine, du moins quand elle avait repris connaissance. Mais maintenant qu'il la tenait contre lui, elle n'en était plus si sûre...
Elle n'avait toujours pas remarqué qu'ils n'étaient plus seulement trois mais huit...